Promotion 2016, 1re année de participation à l’atelier Fusion

Avant le verre, il y avait le cuir, et après, il y aura le métal. Peux-tu nous parler un peu de ton désir de dompter la matière?

J’ai toujours été émerveillée par cette capacité à prendre une matière brute et la transformer en un objet complet. C’était chose commune à l’époque, alors que les artisans faisaient partie de la vie quotidienne des villages, mais c’est un art qui est beaucoup plus discret aujourd’hui. J’ai grandi dans une famille où la débrouillardise est omniprésente; si un objet se brise, nous tentons de le réparer; si nous avons besoin d’un objet précis, nous le fabriquons tout simplement. De nombreux artisans font partie de ma famille aussi : ébéniste, forgeron, peintre… C’est dans cette optique qu’apprendre à dompter la matière est devenu presque une obsession pour moi, pour pouvoir fabriquer tous ces objets qui se cachent dans mon esprit.

Avant le cuir, il y a eu la peinture, le dessin, le tissu et même un peu le bois. Le cuir fût ma première expérience d’apprentissage auprès d’un artisan qui a accepté de me transmettre son savoir. C’est aussi la première fois que j’ai envisagé faire de l’artisanat mon métier. J’ai hésité longuement entre le cours de joaillerie et le cours de verre, mais le mystère de ce dernier m’a attiré en premier. Bien que je suive actuellement une formation en joaillerie, je n’abandonnerai jamais le verre ni les autres matières que je travaille déjà. Je continue d’ailleurs à souffler le verre et à développer ma collection Art de la table en parallèle avec mes cours puisque je souhaite sortir officiellement cette collection au Salon des métiers d’art de Montréal en décembre.

Au final, mon but est de pouvoir en faire un tout et combiner tous mes apprentissages en des pièces uniques, autant utilitaires que décoratives ou expressives. Tel qu’on m’a dit un jour : « tout a déjà été fait, mais pas à ta manière. » J’ai choisi d’apprendre à manier le plus de matières possible afin de me distinguer des autres et de faire ma place dans le monde de l’art et de l’artisanat.


On pourrait dire que la série « art de la table » que tu développes à l’heure actuelle, d’une esthétique moderne et épurée, est assez loin – stylistiquement parlant – de tes parfumeuses
Demoiselles. Comment expliques-tu cette dualité dans ta production?

En effet! Ma série Art de la table est issue de mon intérêt pour le design et de mon court parcours en design industriel et en design d’intérieur au cégep du Vieux Montréal. Cette collection est composée d’objets utilitaires aux formes simples et aux couleurs suivant les tendances actuelles. Elle représente davantage le côté mathématique et logique de ma personnalité ainsi que mon désir de fabriquer des objets durables que les gens utiliseront dans leur vie quotidienne.

Mes parfumeuses Demoiselles sont d’abord un essai de combinaison entre mon travail en cuir et mon travail en verre. Mes pièces en cuir sont majoritairement d’inspiration médiévale fantastique, d’où les corsets un peu gothiques/victoriens. La parfumeuse étant un objet d’époque et surtout utilisé par les femmes, j’ai voulu représenter ces femmes aux formes voluptueuses et à la taille fine de l’époque médiévale, période historique qui me fascine beaucoup. Cette série représente davantage mon côté créatif et ma passion pour l’esthétique médiévale, fantastique, gothique et victorienne. Elles sont aussi une exploration de cette part de féminité en moi que je ne pourrai jamais nier, mais que je n’exploite que rarement.

Cette dualité entre la logique et la créativité ou le moderne et l’ancien me suit dans tout ce que je fais et je tente d’en tirer avantage plutôt que de me limiter. Tout comme je cherche à multiplier les matières que je travaille, je n’ai pas peur non plus d’exploiter les différents styles qui m’intéressent.


Tu as sûrement déjà plein d’idée en tête pour ta première année d’apprentissage à l’École de joaillerie de Montréal. Crois-tu que ton bagage d’artiste verrier te suivra dans ton exploration?

C’est certain! Au cours de mon apprentissage à Espace VERRE, j’ai su développer mon style et une esthétique qui m’est propre, et cela me suivra toujours. J’ai aussi appris de nombreuses méthodes de travail que je continue d’utiliser dans tout ce que je fais. J’ai effectivement quelques idées de bijoux incluant le verre, mais je fais la formation en joaillerie surtout pour apprendre à manier le métal en tant que matière. Mes idées liées aux métaux sont surtout des compléments à mes pièces de verre ou de cuir plus que des idées liées à la bijouterie en soi. J’ai d’ailleurs quelques idées en lien avec mes mystérieux personnages de verre que j’ai bien hâte de pouvoir mettre en œuvre… À suivre!